Les deux derniers automnes, j’avais dû reporter mes escapades dans Charlevoix à cause de la pluie abondante. Cette année, la chance a tourné. Au cœur de la saison des couleurs, la lumière était parfaite : quatre jours de ciel limpide et de forêts dorées, au creux de ces montagnes qui font la beauté sauvage de la région.

Coucher de soleil au mont Dôme
Juste en face du parc national des Grands-Jardins, le mont Dôme se dresse comme un balcon naturel au-dessus de la vallée. Son sommet, un grand cap de roche, fait face à un océan d’érables et de bouleaux dorés. C’est notre objectif de ce samedi après-midi.
Avant d’y monter, on passe d’abord par le mont Saint-Michel, voisin du Dôme. La lumière d’octobre semble s’incline déjà, dorant les collines et creusant la vallée d’ombre. De là-haut, la forêt semble respirer à chaque rafale, mais on s’empresse de rejoindre le Dôme, où le soleil descend lentement derrière les crêtes.
On reste longtemps à observer les variations de lumière : les reflets dorés sur les pentes, les ombres qui s’allongent comme une marée, puis ces tons mauves et rosés du soir. Chacune de ces variations a de quoi séduire, c’est beau tout simplement.
Matin doré dans le parc national des Grands-Jardins
On passe la nuit dans le secteur Athabaska du parc national des Grands-Jardins. C’est un secteur moins boisé à cause de feux de forêts, et je ne m’attendais pas à y trouver de telles couleurs. Pourtant, au matin, les flancs se parent de jaunes éclatants, et même de quelques mélèzes couleur feu.
À l’aube, le lac est voilé d’une brume fine où se fondent les reflets du ciel. Des huards y tracent leur sillage, lents et silencieux. L’un d’eux plonge, disparaît, puis refait surface avec une omble fontaine dans le bec, à quelques mètres seulement de la plage. Derrière lui, un juvénile s’empresse de le rejoindre, réclamant sa part du festin. La scène paraît irréelle, suspendue dans la lumière naissante. Je reste là, immobile, mais enthousiaste comme un témoin privilégié de la vie discrète de ces oiseaux emblématiques.

Émerveillements au parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie
Le clou du séjour, c’est évidemment cette vallée spectaculaire, où la rivière Malbaie serpente entre des falaises si abruptes qu’on croirait être au cœur d’un canyon. On y passera 3 jours, entre les rives calmes de la rivière et les sommets qui la surplombent.
Les couleurs d’automne semblent commencer leur déclin ici : plusieurs arbres ont déjà perdu leurs feuilles sur quelques pans des falaises. Mais les tons de jaune dominent encore, surtout depuis les différents points de vue du sentier Le Riverain, qui longe la rivière sur plusieurs kilomètres.

L’ombre tombe rapidement dans le parc, avalée par les parois, mais les fins de journée n’en sont que plus belles. Depuis le camping ou près du barrage, on observe la lumière s’éteindre par fragments, découpant les reliefs dans un contraste captivant.

Impossible de venir aux Hautes-Gorges sans gravir la célèbre Montagne à l’Érable, mieux connue sous le nom de l’Acropole des Draveurs. On profite d’un lundi matin calme pour éviter les foules sur ce sentier mythique. On met environ 1 h 40 pour grimper les 5 km de montée, soutenue mais régulière. En partant tôt, l’ombre dans la vallée est encore bien présente. Mais peu à peu, le soleil vient réchauffer les pans de la falaise Est, révélant un panorama vertigineux et coloré sur la vallée. En contrebas, la rivière Malbaie trace une ligne argentée, bordée de pentes dorées. C’est un paysage monumental, à la fois grandiose et apaisant.

Le dernier matin, avant de reprendre la route, on longe la rivière sur quelques kilomètres. L’eau est d’un calme parfait, miroitant les couleurs des feuillus sur les rives. Au point de vue de la Pointe Inukshuk, on s’arrête longuement, seuls, à regarder filer le temps. Tout dans le paysage semble s’accorder : la lumière, le vent, le silence. Et dans ce silence, on sent déjà poindre la nostalgie de cette belle saison qui passe trop vite.
